Betty, une jeune femme de 23 ans, m’a contactée via ma page Facebook pour me proposer sa contribution à mon blog :
« Bonjour, je suis tombée sur votre blog par hasard en cherchant des témoignages sur le changement de sexualité. Même en 2018, il est parfois très difficile de pouvoir se libérer et s’assumer. Les témoignages demeurent rares, c’est pourquoi je souhaitais vous écrire, pour apporter une pierre à votre édifice et peut-être aider certaines personnes qui souffrent et se cachent encore aujourd’hui comme j’ai pu le faire de nombreuses années.
Pour faire « simple », j’ai toujours aimé les hommes jusqu’à rencontrer LA femme qui m’a longtemps fait tourner la tête. Bien évidemment notre parcours a été semé d’embûches, il y a eu de grands moments de doutes, d’incompréhension, de peur… mais c’est une histoire qui finit bien et qui pourra peut-être permettre à certain-e-s de se dire que tout est possible, et qu’il ne faut plus se cacher !
C’est partii
LA rencontre
Avant cette fameuse rencontre, tu te définissais comme hétéro, c’est ça ? (tu étais attirée par les hommes et pas du tout par les femmes) ?
Exactement, avant de rencontrer Claire il y a 5 ans, je ne m’étais jamais posée la question. Je regardais les femmes comme tout le monde et je savais dire lorsque j’en trouvais une jolie mais rien de plus jusqu’à Claire.
On s’est rencontrées par hasard lors d’une soirée chez sa sœur (qui est une amie). Je venais de me séparer d’un garçon et je n’arrivais pas à m’en remettre, et elle de sa compagne avec qui elle était restée 4 ans et demi.
Le feeling est tout de suite passé entre nous, on est devenues très très proches. J’avais vraiment l’impression qu’elle me comprenait mieux que personne. On a très vite commencé à discuter par messages et ça ne s’est jamais arrêté depuis.
Pendant longtemps on est restées célibataire toutes les deux, je ne me posais pas de questions, pour moi c’était ma meilleure amie, un peu plus parce que je sentais qu’il y avait quelque chose. Tout le monde nous croyait en couple et on répondait simplement qu’on était plus que des amies mais moins que des compagnes.
Ça a duré 4 ans et demi, on est ensemble depuis 6 mois maintenant.
Pendant deux ans il n’y avait que nous qui comptaient, on s’est créé un monde à nous…
On s’est enfermées toutes les deux, on parlait tous les jours, toute la journée, on faisait absolument tout ensemble tout le temps, on se connaissait déjà par cœur.
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Elle refuse de se croire lesbienne
Et puis j’ai rencontré quelqu’un avec qui je suis resté deux ans. Claire s’est éloignée de moi car elle savait déjà ce qu’elle ressentait. Je ne comprenais pas, et mon compagnon supportait mal la relation que j’avais avec elle. Je disais même qu’elle passait avant lui et ça créait beaucoup de conflits (normal en même temps).Au bout de deux ans on s’est séparés, bizarrement cela ne ma pas plus touchée que ça, je me ‘réjouissais’ de pouvoir retourner dans ma bulle avec elle, dormir avec elle me manquait etc. (il ne s’était jamais rien passé)
Non. Claire n’a jamais eu personne d’autre, elle savait ce qui se passait mais elle voulait que je m’en rende compte par moi-même et que je fasse mes propres expériences et choix.Ensuite elle m’a avoué son amour lors d’une soirée où on était toutes les deux. Je lui ai dit que de mon côté aussi il y avait quelque chose mais que je ne comprenais pas quoi. On s’est beaucoup plus rapprochées à ce moment-là, je ne pensais qu’à elle, je ne voulais qu’elle dans ma vie mais je n’arrivais pas à l’accepter car ce n’était pas « correct ».
Tu avais honte ?
Avant j’étais selon moi hétéro, je n’avais été qu’avec des hommes, la question ne se posait pas. Par contre, je n’avais que peu de rapports sexuels car je n’aimais pas ça, je trouvais ça sans intérêt et considérais que c’était une obligation car c’est ce que font les gens en couple après tout.
Je suis allée voir plusieurs gynécologues pour comprendre mon « problème », ils disaient qu’il n’y avait aucun souci… Et pourtant je n’avais toujours aucune envie.
C’est fou ! Tu n’avais pas de désir sexuel pour tes exs ?
Non, aucune attirance, c’était une corvée (c’est assez étrange de se rendre compte de ce qu’on peut s’imposer).
Après notre conversation, on s’est beaucoup rapprochées (c’était en décembre 2017), on a beaucoup discuté, j’ai compris que je l’aimais elle, que rien ne marchait depuis que je l’avais rencontré car inconsciemment je devais déjà le savoir. Mais je lui répétais que ce n’était pas possible, pour ma famille, mes proches etc… alors j’ai fui et me suis mise avec un autre homme.De là, 6 longs mois se sont écoulés, j’étais malheureuse mais déterminée à guérir. Pourtant, je refusais de couper les ponts avec Claire, je n’arrivais à rien sans elle.
Guérir de Claire, j’avais compris que je l’aimais, mais je ne voulais pas. Je voulais être « normale » et ne décevoir personne.
Parce que la question chez nous ne se posait pas, qu’on n’en avait jamais parlé, que mes frères me chambraient beaucoup et que je ne savais pas s’ils étaient contre. Et ma belle-mère pour qui c’est carrément contre-nature.
Je suis très proche de mon père et j’avais peur de sa réaction, c’est arrivé de nulle part, pour lui sa fille aurait un mari, une maison, des enfants un chien etc.
Je me disais que ce serait pire de perdre ma famille que de perdre Claire. C’est en la perdant elle que j’ai compris que rien n’était pire en fait.
L’électrochoc
Car tu l’as finalement perdue ?
Pendant une semaine terrible oui.En Mai 2018, coup de théâtre, j’ai publié une photo de mon ex et moi sur internet. Ça a été la goutte d’eau de trop pour Claire. Elle n’a plus répondu au téléphone. Pour la première fois en plus de 4 ans, plus aucune nouvelles pendant 7 jours. Mon compagnon a vite compris qu’il y avait quelque chose.Le 30 Mai je l’ai quitté et j’ai foncé récupérer la femme que j’aime ^^Avant que Claire ne s’en aille, mes peurs prenaient le dessus, je préférais la perdre. Je pensais pas que ça m’atteindrait autant, au final ça a été le pire chagrin de ma vie jusqu’à devenir mon plus grand amour et ma plus belle histoire.
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Oh oui extrêmement patiente, en tout 4 ans et demi. Et depuis, j’ai découvert ce qu’était le désir, et beaucoup de sensations qui m’étaient inconnues. Et j’ai vite compris que je n’étais tout simplement pas à ma place avant.
En harmonie avec son homosexualité
Du désir tu en as, mais pas pour les garçons, pour les filles ?
Exactement, les garçons c’est peut-être pas pour moi finalement. Au jour d’aujourd’hui je ne souhaite plus être avec un homme, je sais que je n’aime pas ça, je l’ai accepté (23 ans il était temps, Claire en a 28). Je ne sais pas si ce sont les filles en générale, je me rends compte que je préfère les femmes (ça doit être pour ça que je n’étais pas jalouse avant d’être avec Claire ^^) mais ne me vois pas sans elle.
On se connait par cœur, on ne se lasse jamais l’une de l’autre, on a toujours des choses à se dire, on rigole beaucoup, on refait le monde à longueur de temps. Et sexuellement parlant, c’est une renaissance. Je comprends ce qu’est le désir, je suis encore maladroite car c’est une terre inconnue (la femme et une vie sexuelle active).
En tous cas, je ne ferai marche arrière pour rien au monde.
Oh oui, et je n’ai plus honte de le dire, bien au contraire, elle mérite que je rattrape tout ce temps perdu ahah
Alors avec mes deux grands frères, très très bien, ils m’ont dit qu’ils le savaient avant même que moi je le sache. Claire était au mariage de mes parents et à tous les moments importants et ils voyaient qu’entre nous il y avait plus. Mon père a lui eu besoin d’un petit temps d’adaptation mais au final je suis toujours son bébé ahah à mon grand soulagement !
Par contre ma belle-mère est contre, elle ne l’a pas bien pris et ne comprend pas. Pour elle, c’est une erreur et une solution de facilité car je ne veux pas donner de ma personne avec un homme… Dans les grandes lignes ça donne ça.
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Et bien, je me suis imposée beaucoup de choses que je ne voulais pas, je vivais très mal ma vie sexuelle qui a fini par me dégoûter. Je me suis rendue malheureuse en en venant même à me dire « Fais des enfants avec un homme comme ça tu seras obligée de les aimer et de rester ».Jusqu’à ce que je réagisse enfin et que j’assume qui j’étais et qui j’aimais. J’aimerais dire aux lectrices qu’on a toujours peur mais que c’est pas grave, il faut agir pour vivre et être tellement plus heureuse après. Les gens qui nous aiment vraiment continuent de nous aimer. Que c’est un mauvais moment à passer mais une vision de la vie bien meilleure.Être en paix avec soi-même est un choix, l’homosexualité non.
Je remercie Betty pour m’avoir confié l’histoire de son changement d’orientation sexuelle. Ce n’est pas toujours facile de savoir qui on est et de s’assumer pleinement, et encore mois lorsqu’on sort de la norme ! J’espère que ce genre de témoignages inspirera celles et ceux qui ont des difficultés à vivre la sexualité qui leur correspond.
Et vous ? Comment vivez-vous votre sexualité ?
💕 Love 💕
Morgane Z.
« L’épanouissement sexuel loin des normes »
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Tous mes articles sont à but éducatif et n’ont en aucun cas pour but d’inciter à la haine ou détériorer l’image d’une quelconque communauté. Si vous vous sentez vexé-e-s, sachez que ce n’était pas mon intention.
Crédit photographique : Betty