[TÉMOIGNAGE#11] Anarchiste, polyamoureux et bien dans ses baskets

Témoignage 7/21 : Depuis le 16 Février 2018, je réalise mon défi de blogueuse follement motivée ! Comme expliqué dans mon article vous l’annonçant (cliquez ici pour le lire), je recueille les témoignages de 21 abonné-e-s motivé-e-s et les publie sur mon blog, chaque jour pendant 21 jours ! Il n’y a aucune norme en sexualité et je souhaite en parler sans tabous. Il me semble plus juste de laisser la parole à tout-un-chacun pour montrer la “réalité du terrain”, plutôt que de m’exprimer à leur place en m’imaginant des choses probablement erronées. Le but des partages de témoignages est une meilleure compréhension de chacun, quel-le qu’il-elle soit, pour appréhender la sexualité sous un angle plus proche de la réalité que les stéréotypes qu’on nous sert dans les films et les médias mainstream. Ces échanges de témoignages vont nous permettre d’enrichir le dialogue autour de la sexualité et d’apprendre les uns des autres ! Et maintenant, place au septième témoignage de la série !

Steven est un homme de 27 ans se définissant comme queer : il se dit n’appartenir à aucune catégorie normative sexuelle : ni hétéro, ni homo, ni bi… Il questionne les catégories et rêve d’un monde où les étiquettes n’existeraient pas et où on désignerait les gens simplement par le terme « personnes ». Il est de sexe masculin mais n’aime pas les stéréotypes de genre : en été il affectionne porter des jupes. Il se sent sexuellement attiré par les filles mais a parfois le fantasme d’essayer avec un garçon.

On s’est rencontrés au Café Sexo des Gones à Lyon, le soir où le débat portait sur le polyamour (cliquez ici pour découvrir le compte-rendu de cette soirée). Lui-même polyamoureux depuis plusieurs années, il m’a proposé de partager sa vision du polyamour avec les lecteurs du blog par le biais d’une série de plusieurs témoignages personnels sur son expérience. J’ai accepté avec plaisir, et nous nous sommes retrouvés quelques jours plus tard autour d’une infusion pour discuter de tout ça.

Notre échange a commencé par des petites définitions, puis il m’a expliqué ses bases politiques (sa vision personnelle) de cette forme de relation.

1. Sa définition du polyamour

Contente de te retrouver Steven, tu te définis comme polyamoureux, c’est bien ça ?

Tout à fait !

Pour commencer, je voulais connaître ta vision du polyamour. Pour moi, le polyamour est le fait d’entretenir des relations amoureuses avec plusieurs personnes différentes. Mais en plus, il y a la notion de transparence, contrairement à la relation ouverte. 

Oui, s’il y a des sentiments c’est plutôt du polyamour. Moi je différencie relation ouverte du polyamour comme ça :

  • Relation ouverte : il existe une relation principale que tu aimes et avec laquelle tu as des relations sexuelles, et des relations « secondaires » avec lesquelles tu n’échanges que du sexe mais pas de sentiment amoureux,
  • Polyamour : il y a des sentiments et possiblement du sexe avec toutes les relations que tu entretiens.

Et puis il y a aussi un autre aspect dans le polyamour c’est que tu peux vivre des relations en parallèle… mais aussi vivre des relations à plusieurs.

Ah oui ! En trouple par exemple (couple à trois où chacun s’aime).

Oui, pas forcément en trouple, mais au moins que les gens se rencontrent, qu’ils se connaissent, pour pas qu’il y ait une espèce de méfiance, d’anonymat.

En effet c’est probablement mieux de rencontrer les autres. J’imagine que sinon tu risques de partir dans des idées et des visions fantasmées des autres compagnons de ton amoureuse alors que quand tu les rencontres tu te rends compte qu’en fait ça va et tu t’inquiétais pour rien.

Oui, en rencontrant l’autre, tu te dis « Finalement c’est juste un être humain ! C’est pas un top modèle parfait, intelligent et qui va sur Mars ! C’est juste une personne. » Après voilà, ça dépend des gens, certains préfèrent ne pas se rencontrer. Il y en a aussi qui ont des relations hiérarchiques (ce n’est pas mon cas), il y a plein de choses. Personnellement, dès qu’il peut y avoir du partage, je trouve ça mieux.

 

2. Un choix politique appliqué à sa vie personnelle

D’accord. Et sinon, tu m’as dit vouloir partager ta vision plutôt « politique » du polyamour ?

Oui, tout ça, le polyamour il faut quand même revenir dessus. Ce n’est pas uniquement un cheminement sentimental ou de peurs.

Moi, dans ma vie, je me considère politiquement comme anarchiste. Et dans l’idéologie anarchiste, il y a quand même une notion de non propriété privée, et d’essayer d’avoir le moins de pouvoir possible sur les gens. C’est très résumé, mais dans l’idéologie, il y a un peu de ça. Quand on essaie de mettre ça en place dans nos relations intimes, on se rend compte que les relations monogames ça ne marche pas avec ça. Il y a quand même une forme.…

Une forme de propriété ?

Une forme de propriété ! Les gens ne vivent pas toujours comme ça hein ! Mais, il y a quand même une forme de « Ta sexualité m’appartient. Tu peux faire plein de trucs, mais ta sexualité, c’est la mienne ». Après ça dépend des couples ! Pour les libertins, il y a propriété du sentiment amoureux : « Ton sentiment amoureux m’appartient ». Personnellement, je n’ai pas trop envie d’appartenir à quelqu’un, ni de posséder quelqu’un. Politiquement, c’est important pour moi de préciser ça.

Théoriquement, c’est facile…

La théorie est belle ! Mais la pratique…

La pratique, elle est belle aussi ! Mais ça prend du temps avec beaucoup de discussions.

 

3. Mensonges et dialogues : sa façon de parler le polyamour

Comment tu gères le dialogue du coup ? Ça t’est déjà arrivé de mentir ?

À un moment, quand j’étais à Marseille et que j’ai rencontré ma troisième amoureuse là-bas, Sophie (l’amie avec laquelle je vis) n’allait pas super bien. Ça la faisait un peu souffrir du coup que j’aie rencontré quelqu’un là-bas. Ça faisait longtemps qu’on se voyait moins comme j’étais loin à Marseille. Et un jour, pour la protéger, je lui ai caché pendant environ une demi-heure qu’il s’était passé quelque chose… mais je n’y arrivais pas, c’était pas possible !

Cette demi-heure-là a été aussi dure pour elle que pour moi. Même dans le cadre du polyamour, ça arrive qu’on se sente désemparé. À ce moment-là, je me sentais désemparé « Qu’est-ce que je fais ? Je lui dis ? Je ne lui dis pas ? ». Quand tu as des envies, et du respect pour tout le monde… Il faut se respecter soi-même aussi là-dedans… des fois c’est compliqué !

Sophie n’était pas vraiment maîtresse de ses émotions à ce moment-là. Elle ne voulait pas la souffrance et la peur qu’elle ressentait. Elle avait confiance en moi et m’aimait . Je la comprenais, et je ne lui en voulais pas. On a beaucoup échangé sur nos sentiments à ce moment-là, et ça nous a permis d’avancer ensemble.

Cette histoire de tromperie, il ne faut pas le faire, en aucun cas. Cette fois-là, j’ai eu l’impression que ça pouvait protéger, mais en fait ça ne protège pas, ce n’est pas bon. Déjà, tu te mens à toi-même, tu mens aux autres…

Je ne sais pas, ça dépend des gens. Certains préfèrent ne pas savoir il me semble.

Bien sûr ! Même dans le polyamour, il y en a qui disent « Tu fais ce que tu veux avec d’autres, moi je ne veux pas savoir ». Dans mon cas, c’est l’inverse : je veux réunir les gens.

 

Steven définit donc le polyamour comme une forme de relation dans laquelle tu ne possèdes personne et n’appartiens à personne, où tu es libre d’aimer et d’avoir des relations sexuelles avec qui tu le souhaites. Dans son cas, il ne fait pas de distinctions hiérarchiques entre ses trois relations : ses trois amies ont chacune autant d’importance à ses yeux. Même s’il se trouve qu’il vit avec l’une d’elles et que les deux autres habitent plus loin. Il exerce une totale transparence envers ses amoureuses. Quand c’est possible il essaie même de les réunir afin qu’elles se rencontrent et se connaissent.

Je remercie Steven pour le partage de sa vision des choses. Ce premier témoignage fait une belle entrée en matière pour discuter de polyamour sur le blog ! Notre échange a été riche, je l’ai donc séparé en plusieurs témoignages que je vais publier successivement dans les prochains jours. Stay with us !

Je conclurai en rappelant qu’il n’y a AUCUNE NORMES en amour ni en sexualité. Chacun-e se créé ses propres normes qui lui conviennent. La seule chose importante est de respecter profondément ses partenaires, en discutant et en acceptant leurs limites. Ensuite, tout est possible !

 

Et vous ? Vous posez-vous des questions sur votre relation ? Comment définiriez-vous votre relation idéale ?

 

Laissez-moi votre témoignage en m’écrivant ici ou commentez directement cet article (plus bas). Merci !

Si vous hésitez à vous confier, rendez-vous sur cette page.

 

❤ Love ❤

Morgane Z.

Bien sous la couette, bien dans la vie

 

Note de la rédaction (NDLR) : Steven a souhaité témoigner à visage découvert, donc il s’agit de son véritable nom, par contre, les autres noms cités sont des pseudonymes pour protéger l’anonymat de son entourage (voir ici les politiques juridiques du site).

Tous mes articles sont à but éducatif et n’ont en aucun cas pour but d’inciter à la haine ou détériorer l’image d’une quelconque communauté. Si vous vous sentez vexé-e-s, sachez que ce n’était pas mon intention.


Crédit photographique : Alina Katrina (cliquez ici pour visiter son compte Flickr)

NB : la photo est une illustration et non une photo de la personne témoignant.