[TÉMOIGNAGE#12] 3 amoureuses en même temps : son histoire personnelle

Steven est un jeune homme polyamoureux de 27 ans : il entretient des relations amoureuses avec trois jeunes femmes différentes. Il a posé quelques définitions et expliqué sa vision politique du polyamour dans un premier témoignage accessible en cliquant ici. Et dans ce second témoignage, il relate son histoire personnelle :

Contente de te retrouver Steven, alors tu te définis comme polyamoureux, c’est bien ça ?

Tout à fait ! Je vais me présenter un peu : ça fait 27 ans que j’arpente cette terre. Et je vais te faire un peu le cheminement intellectuel et personnel qui m’a amené à cette forme de relation (le polyamour) et pourquoi aujourd’hui je continue sous cette forme.

Pour commencer, toute mon adolescence, j’ai très peu connu les filles, l’amour, ou ce genre de choses. J’étais pas mal tout seul, j’avais des copains et tout… Mais c’est vrai que cette partie là de moi n’était pas développée. Le collège n’est pas facile pour les gens en général, et pour moi c’était peut-être encore plus dur parce que j’avais des problèmes familiaux. J’étais en grand manque d’amour à cette période-là.

Alors je me suis réfugié dans le jeu vidéo. C’était quelque chose de très positif pour moi. Certains passent leur temps à sortir ou à essayer de fuir à leur manière, et moi je me suis protégé, je me suis un peu créé mon propre monde là-dedans. Ça m’a permis d’évoluer et d’avoir l’impression d’être quelqu’un d’important. C’était bien pour mon égo.

Parce que t’étais bon ?

Parce que j’étais bon, parce que je jouais beaucoup. Aujourd’hui, je joue beaucoup moins. Je continue, mais je joue beaucoup moins.

Et tout ça évolue, le lycée se passe. Toujours rien… peut-être que j’ai embrassé une fille, enfin presque rien. Et après je quitte mes parents, et j’arrive à Metz en Lorraine (je viens d’Alsace).

Tu es parti pour les études ?

Oui, pour faire un BTS d’audiovisuel. À partir de ce moment-là, appartement, machin… tout le monde qui fait un petit peu n’importe quoi dans tous les sens. Et du coup, je rencontre ma première amie. J’aime bien les appeler mes amies, ou amoureuses, mais on va dire amies.

Donc ma première amie, on va l’appeler peluche (rires) . Alors on se rencontre, et au début c’est pas facile : on couche un peu ensemble… la sexualité c’est pas facile. Première fois que je fais l’amour. Elle, c’est presque la première fois.

On apprend la sexualité ensemble, et ça se passe plutôt bien. À la base, j’avais déjà des penchants féministes, mais avec elle ils se sont développés. J’ai pris pas mal de temps à l’écouter. Ma sexualité aujourd’hui, et dès le départ était très peu portée sur la pénétration. Pour moi ce n’était pas très important, et ça ne l’est toujours pas d’ailleurs.

Tout se passe bien. Et ni elle, ni moi, n’avons envie d’un couple exclusif. Du coup on se dit qu’on va être en couple libre. On est jeune, on ne connaît pas les mots, on ne sait pas trop ce qui se passe, donc on dit couple libre.

Elle va voir ailleurs, et ça me fait souffrir. J’essaie d’en parler, mais en même temps je ne veux pas la brider parce que je sais que c’est un problème personnel. C’est en moi, je ne sais pas trop comment gérer ce problème-là. En gros, c’est un problème du trouble de l’abandon. C’est parce que j’ai eu des histoires encore plus anciennes avec mes parents, où effectivement il y a eu un temps où je me suis senti abandonné. Du coup, dans mes relations je peux vite avoir ce sentiment-là.

Avec peluche, ce sentiment d’abandon est présent et on en parle. Personnellement, je vois ça comme un défi à relever. Je ne reproche rien à ma copine, en lui disant des trucs du style « tu ne me comprends pas » … non. Je lui dis simplement que ça me fait souffrir, et d’ailleurs elle le voit. C’est un peu compliqué pour elle aussi du coup. On se cherche un peu dans tout ça.

Et puis après ça se passe… En fait elle était très indépendante, contrairement à moi qui avais un grand besoin de sécurité, un truc qui me rassure. Et elle, pas trop. Ce sentiment d’insécurité arrive plusieurs fois pour moi, quand elle va voir d’autres garçons. Des fois c’est un peu plus compliqué, et d’autres fois plus faciles à gérer.

Un jour, c’est à mon tour. Pour faire les choses simples, c’est avec sa meilleure amie évidemment. A ce moment-là, ce qu’il y avait eu avant dans l’autre sens s’est un peu reproduit, mais pour elle. Il y a eu quelques problèmes, plus ou moins de jalousie. Elle me disait : « C’est pas ça que je voulais », ce à quoi je lui ai répondu « oui, mais bon, toi tu as plein de chances, tu as vécu plein d’expériences, alors que moi je n’ai connu que toi, et là j’ai une possibilité avec quelqu’un que je trouve joli et intéressant. Même si c’est ta meilleure amie… »

J’imagine qu’elle ne devait pas s’attendre à ça.

Voilà, elle ne s’attendait pas à ça ! Mais on ne s’était pas dit « pas les meilleurs amis ». On découvrait comme je te l’ai dit. Mais voilà, ça a aussi été une petite part de souffrance pour elle.

L’histoire s’est passée en plusieurs actes.

Comme au théâtre (sourire)

Tout à fait ! Une pièce qui a duré deux ans avec :

  • Premier acte : ça allait,
  • Deuxième acte : ça allait moins,
  • Et troisième acte : ça allait mieux.

Et ensuite ça a continué.

Le BTS se finit. Moi je pars à Paris pour travailler. Elle part à Paris aussi. Hélas, il y a une petite engueulade sur le fait que je voulais qu’on habite ensemble et pas elle. Je viens d’une famille un peu prolétaire, avec pas beaucoup d’argent, alors qu’elle est issue d’une famille où ça va. Donc moi, pour des raisons économiques, mais aussi personnelles bien sûr, j’aurais bien aimé habiter avec elle parce que bon, le loyer à Paris ça coûte cher.

Mais elle voulait son indépendance. Je l’ai un peu mal vécu. On avait deux appartements, on se voyait régulièrement, mais voilà. Peut-être qu’habiter ensemble n’aurait pas marché, peut-être que c’était une mauvaise idée. Mais on n’a pas essayé.

Et ça continue comme ça pendant peut-être un an.

Et là, arrive le fameux soir. Je suis un peu malade. Elle, non, et elle va un pot de départ. Je voulais qu’elle rentre après pour venir me voir. Mais ce qui se passe c’est qu’elle rencontre un mec, passe la nuit là-bas et couche avec lui.

Je lui envoie des messages de plus en plus énervé…

Parce que… ?

Parce que j’étais en souffrance ! Elle a profité, enfin, choisi d’aller voir un mec à ce moment-là… elle aurait pu attendre ! C’était mon sentiment.

Mais elle te l’avait dit ?

Non, mais je l’avais senti. En gros, elle ne m’a pas répondu pendant un week-end.

Quand elle m’a répondu, je suis allé chez elle, j’ai jamais été aussi énervé de ma vie je crois. Et du coup, c’est la rupture.

Là, je passe une phase dure. Peluche était quand même un repère dans ma vie. Pendant six mois, je ne vais pas bien, je sors, je bois, je fais des rencontres nulles… pfff c’était vraiment naze.

En complément de son cheminement personnel, découvrez les motivations intellectuelles et politiques qui ont poussé Steven à devenir polyamoureux en cliquant ici.

 

A un moment, je contacte mes parents. En gros, je règle les problèmes que j’avais avec eux. Mes problèmes d’abandon, mes trucs comme ça… Je leur dis. Tout ce qu’ils m’ont fait, tout ce qui s’est pas bien passé dans mon enfance. C’était très violent pour moi et pour eux. Ça a duré une après-midi.

Tu les as vus en vrai pour leur dire tout ça ?

Oui. En fait, je les ai appelés, ma mère et mon beau-père, en leur disant « Faut que vous veniez, j’ai des choses à vous dire ». En soi, j’étais pas énervé contre eux, mais j’avais besoin de le leur dire. C’était pas facile, j’ai dit des choses du genre « Tu ne m’as pas protégé de mon beau-père » à ma mère, « Tu m’as fait souffrir psychologiquement dans ces situations-là » à mon beau-père.

Ils ont écouté. Ils n’ont pas été trop vindicatifs. Ils étaient un peu sur la défensive, mais ils ont quand même écouté.

Ensuite j’ai eu quelques lectures, comme « Les parents toxiques », ou des livres comme ça. Toutes ces démarches ont été importantes : elles m’ont permis de régler mon problème d’abandon. Sans le régler totalement, ça m’a permis d’assouplir ce sentiment, de mieux le comprendre. Il est toujours là, il sera toujours là je pense, mais maintenant je le gère mieux. C’est quelque chose que j’ai bien dans la tête, maintenant je sais comment je vais réagir. Du coup, je préviens les gens quand je vais réagir comme ça, et moi je me préviens aussi. C’est comme un petit démon sur l’épaule, si tu ne le laisses pas grandir, ça va. Finalement, c’est un mec que tu n’aimes pas beaucoup, mais il est là, et tu t’habitues à vivre avec.

Du coup je règle ce problème-là.

Ça a été réglé en une après-midi ?

Non. J’ai tout dit en une après-midi. Mais avant, il y a eu une grosse peur de préparation pour moi. Tout un cheminement, et après j’étais très fatigué, ça m’avait beaucoup remué. Disons que cette après-midi a été le moment où j’ai commencé à aller mieux. Après, le cheminement a continué beaucoup plus naturellement que cette après-midi de provocation.

L’histoire continue. On se revoit avec peluche plusieurs fois. Un nouvel an, on recouche plus ou moins ensemble. À partir de là, on a essayé de créer autre chose ensemble. Elle voyait quelqu’un, et on a commencé à entendre parler du mot polyamour, on a regardé un peu ce que c’était, et on s’est dit pourquoi pas. À cette période, j’étais toujours à Paris, et elle était en Belgique. Son mec était à Paris aussi. Du coup, quand elle venait à Paris elles venaient nous voir tous les deux, sans trop le dire à l’autre je crois. Pendant ce temps, j’ai quelques autres aventures, rien de sérieux. J’ai un peu plus confiance en moi, je vais un peu mieux, donc forcément les rencontres se passent mieux.

A un moment, je m’inscris sur un site de rencontre. Ça fonctionne pas mal.

Après quelques temps, je décide de quitter mon CDI pour reprendre mes études. Je fais un an de communication à Aix-en-Provence. Je reste sur le même site de rencontre qu’à Paris, ce qui me permet de rencontrer un certain nombre de filles.

À la fin de l’année scolaire, je pars en stage à Paris. Là, je rencontre la personne avec qui je vis aujourd’hui. On va l’appeler Sophie. La base de départ de notre relation a été le polyamour. Initialement, moi j’étais avec quelqu’un d’autre (peluche), elle avec deux autres personnes. Le polyamour était donc notre choix de départ. Notre contrat de base. Et depuis, c’est toujours comme ça. Actuellement, si je rencontre une fille qui n’est pas prête pour ce genre de relation, ça ne m’attire même pas. Je sais que ça va être compliqué sinon, et je n’en ai pas envie.

Ça fait combien de temps du coup que tu es avec Sophie ?

Aujourd’hui, ça fait deux ans et demi. Et aujourd’hui, du coup avec peluche ça fait presque huit ans.

Vous vous voyez encore ?

Oui oui ! Elle habite loin d’ici mais oui oui, on continue à se voir. On est toujours ensemble. Du coup, c’est un truc que je dis souvent : je n’ai pas d’ex. C’est drôle.

 

Je remercie Steven pour m’avoir confié son histoire personnelle l’ayant mené au polyamour. Par son partage, il souhaite offrir la possibilité d’un autre modèle aux personnes qui s’interrogent sur leur(s) relation(s). Sa générosité me touche et j’apprécie beaucoup son ouverture d’esprit et ses démarches personnelles qui peuvent en inspirer certains. Merci du fond du cœur Steven !

 

Et vous ? Vous posez-vous des questions sur votre relation ?

Comment définiriez-vous votre relation idéale ?

 

Laissez-moi votre témoignage en m’écrivant ici ou commentez directement cet article (plus bas). Merci !

Si vous hésitez à vous confier, rendez-vous sur cette page.

 

❤ Love ❤

Morgane Z.

Bien sous la couette, bien dans la vie

 

Note de la rédaction (NDLR) : Steven a souhaité témoigner à visage découvert, donc il s’agit de son véritable nom, par contre, les autres noms cités sont des pseudonymes pour protéger l’anonymat de son entourage (voir ici les politiques juridiques du site).

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Témoignage 8/21 : Depuis le 16 Février 2018, je réalise mon défi de blogueuse follement motivée ! Comme expliqué dans mon article vous l’annonçant (cliquez ici pour l’afficher), je recueille les témoignages de 21 abonné-e-s motivé-e-s et les publie sur mon blog, chaque jour pendant 21 jours !

Il n’y a aucune norme en sexualité et je souhaite en parler sans tabous. Il me semble plus juste de laisser la parole à tous pour montrer la “réalité du terrain”, plutôt que de m’exprimer à leur place en m’imaginant des choses probablement erronées. Le but de ces partages est une meilleure compréhension de chacun, quel-le qu’il-elle soit, pour appréhender la sexualité sous un angle plus proche de la réalité que les stéréotypes qu’on nous sert dans les films et les médias mainstream. Cela va nous permettre d’enrichir le dialogue autour de la sexualité et d’apprendre les uns des autres !

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Tous mes articles sont à but éducatif et n’ont en aucun cas pour but d’inciter à la haine ou détériorer l’image d’une quelconque communauté. Si vous vous sentez vexé-e-s, sachez que ce n’était pas mon intention.


Crédit photographique : Omar Lopez (cliquez ici pour visiter son compte Instagram)

NB : la photo est une illustration et non une photo de la personne témoignant.

Ressource citée : « Parents toxiques: Comment échapper à leur emprise » de Susan Forward (cliquez ici pour consulter la fiche Amazon de ce livre)