Ce soir, je veux vous partager l’abandon de Marc pendant son massage. Marc est fatigué. La quarantaine, il dirige sa PME et manage son équipe de 15 personnes. Il est encore éprouvé du décès d’un proche survenu il y a 3 ans. Depuis, il essaie de remonter la pente, tout en gardant la tête sur les épaules pour gérer sa boîte et éviter qu’elle ne coule avec lui.
Il m’explique sa situation à l’entretien téléphonique préalable au massage, me dit qu’il essaie de se ré-ouvrir au monde. Il souhaite déverrouiller les énergies en lui pour que ça circule avec plus de fluidité.
Marc arrive au cabinet pile à l’heure. Il est très poli et parle peu. Vu son attitude peu expansive lors de la discussion, je me dis qu’il est peut-être de ceux les plus fermés, qui osent le moins montrer leurs émotions. Alors je lui explique l’importance de recevoir le massage de façon active : respirer amplement, ne pas avoir peur de laisser sortir des « bruits » comme des légers râles de plaisir naturel, ou des « aah » de contentement (rien de forcé évidemment). Il acquiesce et me dit qu’il fera selon son ressenti (yes ! c’est tout ce que je veux, des clients à l’écoute d’eux-mêmes)
Il va prendre sa douche, puis s’installe sur la table. Je mets la musique et le massage démarre. Mes mains entrent en contact avec son corps. Il est calme, présent et posé en même temps. Puis j’amène un mouvement que j’ai inventé la veille et que j’appelle « la respiration fœtale » : j’englobe son corps tout en accompagnant sa respiration. Je lui demande de respirer plus fort, à plein poumons, plus amplement, plus longuement. Moi-même je cale volontairement ma respiration au même rythme…
… Et mes mains respirent aussi au même rythme. Elles accompagnent l’expansion de ses inspirations et le retour sur soi de ses expirations. J’appuie fortement sur son corps au moment de l’expir, on fait une pause suspendue dans le temps dans cette position, poumons vides, puis on inspire à nouveau pendant que j’éloigne mes mains pour le laisser remplir ses poumons d’air, et son corps d’énergie.
Je sens Marc complètement absorbé dans cette respiration, pleinement présent à lui-même. Même si ça peut paraître perché, j’ai le sentiment de me liquéfier pour me transformer en matrice de liquide amniotique dans laquelle il respire tel un petit bébé dans son cocon.
Cette « respiration fœtale » dure dix bonnes minutes. C’est un moment très intense, je sens Marc décoller, voyager très loin, tout en étant très présent dans sa respiration. Je ressens une profonde connexion avec le tout.
C’est encore aujourd’hui un de mes plus beaux souvenirs de massage. Moi qui craignait que Marc ne soit pas trop dedans car habitué à fuir ses émotions, j’ai été agréablement surprise. Et pleine de gratitude pour la confiance qu’il m’a témoignée. C’est un cadeau de voir un homme s’abandonner complètement.
Très émouvant et très beau.
Merci Marc